EDUVINET Home L'identité européenne: Les consequences sociales de la Révolution industrielle





Sent to us by Pierre Kessler of Rectorat de l'Académie de Strasbourg - Service Technologies Nouvelles et Innovation, FRANCE, 1997

Contribution to the EDUVINET "European Identity" subject







Cette petite étude pourrait faire partie d'un ensemble beaucoup plus vaste visant à mettre à disposition des professeurs toute une série de textes importants sur l'évolution à travers l'Europe de la législation du travail, des conditions de travail.



I) Des conditions misérables

Objectif méthodologique : le commentaire de texte.

* Analyse détaillée du texte "le travail des enfants " (Tome II, pp.86-89) tiré du livre Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, 1840, 2Vol. Enquêtes de juin-juillet 1835 et septembre 1836.

"Quelque triste que soit la condition de ceux-ci, celle des enfans employés dans un très grand nombre de nos manufactures doit surtout nous émouvoir ; car, trop souvent victimes des débauches et de l'imprévoyance des parens, ils ne méritent jamais leur malheur.
En Alsace, beaucoup de ces jeunes infortunés appartiennent à des familles suisses ou allemandes entièrement ruinées, que l'espoir d'un sort meilleur y attire, et qui viennent faire concurrence aux habitans du pays. Leur premier soin, après s'être procuré du travail, est de chercher un logement ; mais on a vue que le taux élevé des loyers, dans les villes où sont les manufactures et dans les villages les plus voisins, les force souvent d'aller s'établir à une lieue de distance, et même jusqu'à une lieue et demie.
Il faut donc que les enfans, dont beaucoup ont à peine sept ans, quelques-uns moins encore, abrègent leur sommeil et leur repos, de tout le temps qu'ils doivent employer à parcourir deux fois par jour cette longue et fatigante route, le matin pour gagner l'atelier, le soir pour retourner chez leurs parens.
Plus que partout ailleurs cette dernière cause de souffrance s'observe à Mulhouse, ville qui, malgré son rapide accroissement, ne peut loger tous ceux qu'appellent sans cesse ses manufactures. Aussi, est-ce un spectacle bien affligeant que celui des ouvriers qui, chaque matin, y arrivent de tous côtés. Il faut voir cette multitude d'enfans maigres, hâves, couverts de haillons, qui s'y rendent pieds nus par la pluie et la boue, portant à la main, et quand il pleut, sous leur vêtement devenu imperméable par l'huile des métiers tombés sur eux, le morceau de pain qui doit les nourrir jusqu'à leur retour.
Les enfans employés dans les autres filatures et tissages de coton du Haut-Rhin et dans les établissements de même nature du reste de la France, ne sont pas, en général, il est vrai, aussi malheureux ; mais partout pâles, énervés, lents dans leurs mouvemens, tranquilles dans leurs jeux, ils offrent un extérieur de misère, de souffrance, d'abattement, qui contraste avec le teint fleuri, l'embonpoint, la pétulance et tous les signes d'une brillante santé, qu'on remarque chez les enfans du même âge, chaque fois que l'on quitte un lieu de manufactures pour entrer dans un canton agricole.
Ces maux sont d'autant plus à déplorer, que les machines si admirables des manufactures actuelles, en permettant de remplacer avec avantage une grande partie des adultes par les enfans, augmentent nécessairement le nombre de ceux-ci dans les ateliers en même temps qu'elles retirent de plus en plus la fabrication des mains des agriculteurs. Mais, on l'a déjà dit, l'industrie, ainsi concentrée dans les villes, y crée une nouvelle classe dont le sort, plus instable que celui des ouvriers de l'agriculture, parce qu'il est soumis à toutes les vicissitudes, à toutes les crises du commerce, serait cependant plus heureux, dans les temps ordinaires que le sort des ces derniers, s'ils en avaient toujours les moyens, l'ordre et l'esprit de prévoyance.
Afin de mieux faire sentir combien est trop long la journée des enfans dans les ateliers, rappellerai-je ici que l'usage et les réglemens fixent pour tous les travaux, même pour ceux des forçats, la journée de présence à douze heures, réduite à dix par le temps des repas ; tandis que pour les ouvriers qui nous occupent, sa durée est de quinze à quinze heures et demie, sur lesquelles il y en a treize à treize et demie de travail effectif. Quelle différence !"





Descente des enfants au fond de la mine. (Gravure anglaise, 1842)



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Recherchez les mots difficiles dans le dictionnaire (mots soulignés dans le texte).



Renseignement de base


Qui est Villermé ?

Il est responsable d'une grande enquête comme il y en a eu tant entre 1830 et 1848 (Louis XVIII est roi de France). On peut citer aussi celle de Guèpin à Nantes.


Le texte

C'est un texte volontiers moralisateur "victimes des débauches et de l'imprévoyance des parens" (lignes 4 et 5). C'est le début du "mythe" des classes laborieuses, classes dangereuses.



Travail individuel à partir du texte

* Quels sont les thèmes du texte ? Recherchez-en les grandes lignes à travers le texte et complétez le tableau suivant.


Situation des enfants Une vision réaliste de la situation économique de l'époque Une vision moralisatrice de la société.
  • Description des "enfans" (ligne 30).
  • Quels sont les métiers dont on parle ligne 33.
  • Quelles sont leurs conditions de vie ?
  • Est-ce partout ailleurs identique ?
  • Quel est le problème du logement ? (lignes 25 et suivantes)
  • Certaine admiration pour la technique (ligne 48).
  • Mais constatation : remplacement des adultes par des enfants. La fabrication est retirée aux agriculteurs (le Domestic System).
  • Opposition entre vie à la campagne et vie ouvrière : ligne 40 et suivantes.
  • Est-ce un signe d'un certain esprit réactionnaire (ou au moins ruraliste) ou une simple constatation sans parti-pris ?
  • Apparition d'une nouvelle "classe" : celle des ouvriers. Ils pourraient être heureux (au moins aussi heureux que les paysans) si ils "avaient toujours les moeurs, l'ordre et l'esprit de prévoyance".(Ligne 60)



Complément

- Quelle est la situation de l'Allemagne et de la Suisse, d'après le texte et une carte économique de l'époque ? (lignes 7 à 10). Allemagne et Suisse n'opèrent leur décollage économique que quelques dizaines d'années après : Villermé est donc un bon observateur de son époque.



Proposition de Plan du texte (à faire rechercher par les élèves).

I) La condition des enfants
a) la condition physique de ces enfants
b) les conditions de vie (le logement, les déplacements...)
II) une vision réaliste de l'économie et de la société.
a) la fin du "Domestic system"
b) la création d'une nouvelle classe et les craintes de Villermé face à une paupérisation qui pourrait s'accélérer.
III) la vision moralisatrice de Villermé.
a) les parents sont responsables
b) le début du mythe "classe laborieuse, classe dangereuse".


On peut et on doit compléter l'étude de ce texte par un règlement d'usine qui montre bien l'infériorité juridique des ouvriers.



II) L'infériorité juridique des ouvriers

Texte : règlement général d'atelier de la filature de coton N...


Article premier. Les ouvriers acceptent en entrant le présent rêglmeent, affiché dans chaque atelier ; leur entrée fait foi de leur acceptation.
Art. 2 Tout ouvrier n'est valablement admis que sur la présentation d'un livret indiquant qu'il est libre de tout engagement.
Art. 3 La journée de travil est fixée à dix heures et demie. L'heure de l'usine est basée sur l'heure extérieure de la gare de Lille. Le travail effectif commence exactement à six heures et demie du matin, et suspendu à midi, reprend...



On retrouve ce type de règlement dans la plupart des manufactures.


- Quels sont les grands thèmes que l'on trouve dans ce règlement ? Classer ces articles suivant une certaine logique et des grands thèmes.

  1. Les conditions d'embauche articles 1 et 2
  2. les horaires strictement indiqués : il n'y a pas de contestation possible. Tout est chronométré ex film de Mario Monicelli "Les camarades". Tout est rythmé par la vie de l'usine. article 3, 4, 5 et 6.
  3. La plus grosse partie du règlement : la répression des fautes et les conditions de licenciement. (article 8 et surtout article 9)
  4. les droits de l'ouvrier ne sont guère indiqués : un seul article est un peu favorable à l'ouvrier c'est celui qui précise les conditions du salaire. (article 7).
  5. Comment apparaît la vie dans une filature ? on est observé en permanence. Liberté de manoeuvre très réduite.



III) Une lutte difficile : L'interdiction du syndicalisme


Loi le Chapelier 14-17/06/1791


Art. 1. L'anéantissement de toutes les espèces de corporation des citoyens du même état et profession étant une des bases fondamentales de la constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 2. Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d'un art quelconque, ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs.
(...)


C'est une loi qui interdit toutes les associations professionnelles, patronales ou ouvrières.
- Quelle est la justification de cette décision ? Au nom de la constitution et de la liberté (le libéralisme). On est dans la phase bourgeoise de la "Révolution". "Rigoureusement fidèle au schéma libéral, la loi Le Chapelier exclut le syndicalisme de la vie sociale, étendant l'impérialisme du contrat bourgeois au monde du travail".



Texte Loi du 22 germinal relative aux manufactures, fabriques et ateliers.
Titre II. De la police des manufactures, fabriques et ateliers.
Paragraphe 7. cessation du travail (grève) interdite. Pas d'interdiction du travail au nom de la liberté du travail.



IV) Le développement du syndicalisme

Texte : Cauwès, Cours d'économie politique, 1893, T.III pp. 190-193

Texte qui analyse les conséquences de la loi de 1884 autorisant la syndicalisation.
L'auteur salue la syndicalisation des paysans et des patrons ainsi que la création des syndicats mixtes. Les syndicats ouvriers sont en baisse. L'auteur avance une explication : le désir de ne pas apparaître au grand jour, surtout pour les syndicats Anarchistes ou socialistes.
Critique assez vive des syndicats "irréguliers" faisant parties de la "Fédération socialiste des travailleurs".
L'auteur développe l'exemple de la bourse du travail pour démontrer la main-mise des socialistes sur le mouvement ouvrier (et sur les subventions).



V) L'un des résultats : les progrès du revenu à partir des années 80'.

Analyse courbes et définition Salaire nominal, coût de la vie, salaire réel. Mise en rapport et Corrélation entre ces différentes courbes.

On pourrait également envisager de distribuer cette biographie aux élèves et d'en retirer les grands thèmes : importance et sérieux de l'oeuvre, mentalité conservatrice et moralisatrice...



VILLERMÉ LOUIS RENÉ (1782-1863)


Chirurgien des armées napoléoniennes (1804-1814), Villermé abandonne son métier en 1818 pour se consacrer à l'étude des questions soulevées par les inégalités sociales, notamment face à la maladie et la mort. Ses enquêtes et ses recherches à ce sujet constituent, sinon une analyse sociologique, du moins une précieuse source d'information et d'observation sur les débuts de l'ère industrielle. Les travaux de Villermé sont reconnus comme des étapes très importantes du développement de la démographie et de la statistique.Une première étude sur les conditions de vie des prisonniers (1820), laquelle s'insérait dans un projet de réforme du régime pénitentiaire, rend Villermé célèbre. Il entreprend ensuite des études comparées de la mortalité et de la mortalité infantile suivant les milieux sociaux, desquelles il ressort que la condition ouvrière dans les villes entraîne une mortalité très supérieure à la moyenne.
Élu à l'Académie des sciences morales au moment de la réhabilitation de celle-ci par Guizot (1832), membre de la section de statistique, Villermé est chargé ainsi que son collègue Benoiston de Chateauneuf de réaliser une étude sur l'état physique et moral de la classe ouvrière. Il limite son champ d'étude à l'industrie textile, laquelle connaissait du fait de l'introduction de la mécanisation de profondes transformations, et il reçoit des subsides appréciables pour mener une enquête qui donnera lieu à un rapport de plus de neuf cents pages, le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers dans les fabriques de coton, de laine et de soie (1840). Cette étude est caractéristique des inquiétudes que font naître les débuts d'une société industrielle et en particulier l'apparition d'une paupérisation dont la classe dirigeante redoute les excès car elle perturbe le bon fonctionnement du marché et provoque des crises. C'est en observateur minutieux — il tenait à assister aux repas, aux loisirs des familles ouvrières autant qu'à l'organisation du travail dans les ateliers — que Villermé s'attache à répondre à la demande de Guizot. Il note quelles sont les conditions de logement, quel temps est nécessaire pour aller du domicile au lieu de travail, la plus ou moins grande dureté des conditions de travail. Il fait valoir les avantages de la grande entreprise par rapport aux petites entreprises qui, selon lui, parce qu'elles peuvent disparaître rapidement et pour n'importe quelle raison, sont créatrices de paupérisation ; il dénonce les pratiques qui incitent les ouvriers à changer d'établissement sans motif autre que des promesses de salaires plus élevés non tenues. Il faut aussi souligner la force de l'analyse de Villermé lorsqu'il considère les conditions de travail des enfants et qu'il fait clairement apparaître la responsabilité du patronat en la matière. Par contre, c'est une tout autre explication qu'il propose lorsqu'il s'agit de prendre en considération les raisons de la paupérisation et du mauvais rendement des ouvriers adultes. Il les accuse d'être alcooliques et de dilapider leur salaire, de porter de trop beaux habits les jours de fête, d'avoir des mœurs dépravées, de s'éloigner d'un ordre moral qu'ils devraient respecter. L'ambiguïté de la situation sociale de Villermé se manifeste là, qui l'empêche de saisir la réalité de la lutte de classe à l'intérieur de l'entreprise et, dès lors, l'incite à prendre — ce qu'il ne faisait pas lorsqu'il parlait des enfants — des symptômes pour des causes. Les conclusions de cette recherche eurent une influence sur l'élaboration de la loi qui en 1841 limita le temps de travail légal des enfants.Jusqu'à sa mort, Villermé s'intéressa aux problèmes liés à l'industrialisation ; on lui doit, entre autres, une étude sur les accidents de travail produits par l'outillage mécanique (1850).






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