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La France et l'identité européenne


English translation




By Caroline Delavière of Lycée Marie Curie, Strasbourg, FRANCE, 1997

Contribution to the EDUVINET "European Identity" subject







- La construction de l'identité française et de l'identité européenne


Les traits particuliers de la France s'estompent progressivement devant la montée du libéralisme, la mondialisation de l'économie et l'ouverture européenne.




1. La tradition centralisatrice et interventionniste s'estompe de par la décentralisation :

La tradition centrelisatrice française s'est affirmée avec la monarchie absolue, notamment avec Louis XIV, et encore accentuée avec la Révolution française et le jacobinisme. Il s'agissait, pour construire une nouvelle société, de détruire l'ordre préexistant en éliminant tous les corps intermédiaires entre l'Etat et les citoyens. Pour cela, la loi Chapelier de 1791 a interdit toutes les coalitions et les corporations. Désormais, l'individualisme d'entreprise et le libéralisme économique pouvaient s'étendre.
Dans la période récente, les lois de décentralisation de 1982 et 1986 organisent la décentralisation, c'est-à-dire le transfert de pouvoir de l'Etat central vers les collectivités locales. Cette préoccupation était déjà présente chez le général De Gaulle mais n'avait que peu été mise en oeuvre. Les collectivités locales comportent les régions, datant de 1986, les départements et les communes, datant de la Révolution française. Les représentants de ces collectivités locales sont élus au suffrage universel direct, ce qui souligne leur légitimité et leur plus grande proximité par rapport à l'Etat central. La décentralisation traduit le désengagement progressif de l'Etat central en France même si la multiplication des niveaux de décision ne se traduit pas toujours par une plus grande efficacité.



2. La guerre idéologique entre la droite et la gauche prétendant chacun à l'hégémonie et à la seule légitimité fait place à l'alternance politique :

La guerre idéologique entre la droite et la gauche a longtemps fait rage en France. Cette bipolarisation est particulièrement visible au cours du XX ème siècle lors du Front populaire en 1936 et lors de l'élection de François Mitterrand, à la tête de la coalition de gauche en 1981. Depuis 1986, les deux périodes de cohabitation entre un Président de gauche et un premier ministre de droite, à la suite des élections legislatives, et l'alternance politique, avec le retour d'un Président de droite en la personne de Jacques Chirac, ont atténué ce clivage idéologique. D'autant plus que les politiques économiques, et surtout la politique monétaire du franc fort, permettent difficilement de différencier la droite de la gauche. Cette démocratie réconciliée fait par ailleurs le terreau du parti d'extrême-droite, le Front National, dans la mesure où celui profite de la coupure entre les élites politiques et le peuple, aggravée par l'augmentation du chômage et la crise d'identité des couches moyennes et basses de la société. En effet, l'électorat du Front National est composé en grande partie d'artisans, de commerçants et de chefs d'entreprise séduits par le discours ultra-libéral de ce parti, mais aussi alternativement, par des ouvriers et des chômeurs en crise d'identité. De plus, les thèses racistes du Front National sont reprises par son électorat, d'autant plus que l'ascension sociale est de plus en plus limitée, et alors même que l'intégration des immigrés récents s'effectue progressivement.



3. La coexistence de la petite entreprise et de la tradition colbertiste s'efface devant la contrainte du marché mondial et le désengagement relatif de l'Etat :

Le tissu de petites entreprises développé après la Révolution française avec l'encouragement de l'initiative privée, s'appuyant sur un libéralisme économique fondé sur la propriété privée, ainsi que la tradition colbertiste, du nom du premier ministre de Louis XIV marqué par les théories mercantilistes, s'efface progressivement. Colbert a marqué l'intervention étatique dans l'économie, notamment en rénovant le réseau routier français. Dans la seconde moitié du XX ème siècle, la politique de grands travaux , comme le programme nucléaire, le train à grande vitesse (TGV) ou le Minitel, se situent dans cette lignée. Dans la période récente, on assiste à un désengagement relatif de l'Etat dans l'économie, et dans la société en général, notamment à travers des vagues de privatisations d'entreprises publiques.



4. Le constat de la faiblesse des syndicats français aboutit à une prise de conscience de l'importance de la négociation collective pour l'efficacité des entreprises :

Si le système syndical de la social-démocratie nordique est marqué par une longue tradition de négociation collective, et par la cogestion, si le corporatisme brittanique comporte des syndicats regroupés sur la base de métiers, le système syndical du pluralisme méditérranéen est caractérisé par une pluralité de confédérations. La France qui fait partie de ce dernier système a traditionnellement une négociation collective faible d'autant plus que les représentants des salariés et ceux des employeurs ont un faible pouvoir de négociation, certains syndicats étant plus soucieux de leur référence révolutionnaire que de la gestion de l'entreprise. La grève est reconnue en France depuis 1864, et les syndicats depuis 1884, mais ceux-ci sont repliés sur les très grandes entreprises et sur la fonction publique. En conséquence, le taux de syndicalisation français est actuellement le plus faible de tous les pays européens, aux allentours de 10 %. Cependant, les souhaits des employeurs et des salariés vont vers un renforcement de la politique contractuelle, ce qui pourrait être encouragé par mise en place récente d'un niveau supplémentaire de régulation sociale, le niveau européen.

Depuis les traités de Paris et de Rome qui marquent la création de la Communauté européenne dans les années 50, la société et l'Etat français se sont fortement modifiés dans le sens d'une atténuation des particularités de la France. Cette atténuation renforce la participation de la France à l'Union européenne actuelle.











Sources :


DUVAL Guillaume [1996] : « Négociation sociale : l'exception française », dans Alternatives Economiques, hors-série n· 28, deuxième trimestre 1996, pp. 28-31.

MOREAU DEFARGES Philippe [1996] : « Que peut l'Union européenne ? » dans Sciences Humaines, hors-série n· 11, décembre 1995-janvier 1996, pp. 16-19.

SCHNAPPER Dominique [1996] : « La nation , hasard ou nécessité », dans Sciences Humaines, hors-série n· 15, décembre 1995-janvier 1996, pp. 38-41.

SICOT Dominique [1992] : « Les syndicats dans la tourmente », dans Alternatives Economiques, mai 1992, pp. 27-33.

SOUBIE Raymond [1992] : « Causes du déclin syndical », dans Droit Social, n· 1, janvier 1992, pp. 10-15.

SICOT Dominique [1992] : « Les syndicats dans la tourmente », dans Alternatives Economiques, mai 1992, pp. 27-33.

WEINBERG Achille [1994] : « Vers la fin de l'exception française », dans Sciences Humaines, hors-série n· 6, septembre-octobre 1994, p. 6-10.









- Les valeurs des Français et des Européens

L'étude des valeurs des Français et des Européens dans la dernière décennie permet de dégager de grandes tendances de l'identité européenne en construction. Des éléments communs et des oppositions coexistent, alors même que les différences au sein d'un même pays sont parfois très marquées. On s'appuie pour cela sur les enquêtes EVS, de la Fondation européenne pour l'étude des valeurs.



1. L'appartenance judéo-chrétienne commune, avec le clivage entre une Europe du sud catholique et généralement latine et une Europe nordique protestante issue de la Réforme :

Si cette appartenance commune est nette, notamment à travers un fond religieux, culturel et politique commun à l'Europe occidentale, un vaste mouvement de sécularisation de la société est visible. L'ensemble des Etats européens est caractérisé par une relative séparation de fait de l'Eglise et de l'Etat, même si pour beaucoup, la référence religieuse est inscrite dans la constitution, ce qui n'est plus le cas de la France, dont la séparation de l'Eglise et de l'Etat date de 1906.



2. La réévaluation de la famille en même temps que la montée de l'individualisme :

Malgré la contestation de la famille après 1968 en France, et la fragilisation du couple fondé sur l'amour, la crise économique fait de la famille et de la parenté un cadre sécurisant. En 1990, plus de 80 % des européens interrogés pensent qu'il faut accorder plus d'importance à la vie de famille. L'Europe latine est plus attachée au respect des parents alors que l'Europe protestante accorde plus d'importance au respect des enfants. La montée de l'individualisme est une tendance de fond de la société pour laquelle l'individu est un être autonome dont l'accomplissement doit être la finalité de la société.



3. Le degré de tolérance et la permissivité en accroissement sauf sur quelques points «chauds» comme la drogue ou la corruption :

Le degré de permissivité des Européens, à travers une hiérarchie des actes excusables, est en augmentation. Les actes les plus acceptés sont le divorce, l'avortement, la légitime défense, l'euthanasie et l'homosexualité, les actes les moins acceptés sont la corruption, l'assassinat politique, la drogue et l' «emprunt de voiture». La France et les Pays-Bas sont les deux pays les plus permissifs alors que l'Irlande est traditionnaliste et antipermissive. Il faut noter de plus que si l'intolérance vis-à-vis de l'immigration est en légère augmentation, la perception de l'immigration est presque sans rapport avec la proportion d'immigrés en provenance de l'extérieur de l'Union européenne. Par ailleurs, le succès des thèses privilégiées des partis d'extrême-droite qui procèdent par dramatisation de la société, comme la menace de l'étranger ou la crainte du vol, s'explique par une crise d'identité, marquée par la crainte de la remise en cause de son statut social, traduit notamment par un capital économique.



4. L'aspiration à une évolution consensuelle de la société malgré une persistance de pôles de conservatisme radical :

Les Européens interrogés se déclarent pour une amélioration de la société par de lentes réformes. Il faut pour cela garantir la liberté d'expression et augmenter la participation des citoyens aux décisions du gouvernement. Malgré ce phénomène, des pôles de conservatisme radical, en diminution, persistent. C'est notamment le cas de la France et de la Belgique qui comptent des partis d'extrême-droite forts.



5. Le passage d'une période d'optimisme à une période de pessimisme vis à vis de l'Europe, en même temps qu'une augmentation de la confiance en l'Union Européenne :

L'optimisme vis à vis de l'Europe, constaté en 1985, laisse la place au pessimisme à partir de 1990. Cela peut s'expliquer par la dégradation des conditions de vie et la récession européenne. Parallèlement, la confiance en l'Union Européenne augmente. Les Français eux sont ambivalents face à l'Europe. D'une part, la proportion d'entre-eux qui considèrent l'appartenance à l'Europe communautaire comme une «bonne chose» est en augmentation (de 50 % en 1980 à 70 % en 1991) ; d'autre part, la défiance est visible dans les comportements électoraux. Les élections européennes de 1984, 1989 et 1994, ont été marquées par de forts taux d'abstention et par des votes à caractère protestataire. Même la ratification du traité de Maastricht s'est faite à une faible majorité de oui.



En conclusion, on peut dire que, malgré de nombreuses particularités, une identité européenne commune est en construction. Elle trouve ses origines dans des références politiques, culturelles et religieuses communes, ainsi que dans des situations économiques et sociales parfois très proches.











Sources :

ALLEMAND Sylvain [1994] : «Les Français aiment l'Europe sauf en période électorale», dans Sciences Humaines, hors-série n° 6, septembre-octobre 1994, pp. 76-77.

ALLEMAND Sylvain [1996] : «Les Européens se sentent-ils ... européens ?», dans Sciences Humaines, hors-série n° 15, décembre 1996-janvier 1997, p. 41.

CHAUVEL Louis [1994] : «Les Français, les Européens et les valeurs», dans Sciences Humaines, hors-série n° 6 septembre-octobre 1994, pp. 16-21.

CHAUVEL Louis [1996] : «L'évolution des valeurs en Europe», dans Sciences Humaines, hors-série n° 14, septembre-octobre 1996, pp. 34-37.





Liens











Résumé :




- La construction de l'identité française et de l'identité européenne

Les traits particuliers de la France s'estompent progressivement devant la montée du libéralisme, la mondialisation de l'économie et l'ouverture européenne.

  1. La tradition centralisatrice et interventionniste s'estompe de par la décentralisation.
  2. La guerre idéologique entre la droite et la gauche prétendant chacun à l'hégémonie et à la seule légitimité fait place à l'alternance politique.
  3. La coexistence de la petite entreprise et de la tradition colbertiste s'efface devant la contrainte du marché mondial et le désengagement relatif de l'Etat.
  4. Le constat de la faiblesse des syndicats français aboutit à une prise de conscience de l'importance de la négociation collective pour l'efficacité des entreprises.




- Les valeurs des Français et des Européens

L'étude des valeurs des Français et des Européens dans la dernière décennie permet de dégager de grandes tendances de l'identité européenne en construction. Des éléments communs et des oppositions coexistent, alors même que les différences au sein d'un même pays sont parfois très marquées. On s'appuie pour cela sur les enquêtes EVS, de la Fondation européenne pour l'étude des valeurs.

  1. L'appartenance judéo-chrétienne commune, avec le clivage entre une Europe du sud catholique et généralement latine et une Europe nordique protestante issue de la Réforme.
  2. La réévaluation de la famille en même temps que la montée de l'individualisme.
  3. Le degré de tolérance et la permissivité en accroissement sauf sur quelques points «chauds» comme la drogue ou la corruption.
  4. L'aspiration à une évolution consensuelle de la société malgré une persistance de pôles de conservatisme radical.
  5. Le passage d'une période d'optimisme à une période de pessimisme vis à vis de l'Europe, en même temps qu'une augmentation de la confiance en l'Union Européenne.



















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